[VO] – [Virginie & Olivier]

Olivier Noël est designer et céramiste, il aime les formes utiles. Virginie Levavasseur est plasticienne et littéraire, elle aime l’inverse.
 L’un est sorti de l’ESAD de Saint-Etienne, l’autre de l’ESAM de Caen-Cherbourg, mais avec 20 ans d’intervalle ; un temps long de maturation.

L’un habite dans l’Est de la France, l’autre à l’opposé.
 Mais [VO] fait se rencontrer les matières de territoires, associe, confronte, oppose, interroge.
 Virginie et Olivier se sont rencontrés autour de l’envie de travailler la matière, d’en déceler les limites et les fragilités. Les installations de [VO] font état des procédés de fabrication et se plaisent à se métamorphoser par l’action du temps sur la matière, avant ou pendant l’exposition.

Le V de [VO]

Virginie Levavasseur est cherbourgeoise et enseigne le français et l’expression à l’université de Caen, IUT Grand Ouest Normandie. À 35 ans, elle choisit de suivre un cursus artistique pour obtenir un Diplôme National Supérieur d’Expression Plastique (DNSEP). À la fois à La Cherche et à l’école ESAMC2, son parcours se nourrit de rencontres. Avec Françoise Schein, elle monte le projet Horizon d’attente sur les murs de la maison d’arrêt de Cherbourg, en collaboration avec le Trident, des collèges de l’agglomération, l’administration pénitentiaire de Rennes et les collectivités territoriales. Cette œuvre engagée marque déjà la notion d’attente sur laquelle elle travaille depuis 2016. La situation sociétale en a exacerbé les réflexions.

Virginie développe un travail collaboratif : elle s’implique dans le travail éditorial et graphique de møtus au côté de François David, elle rejoint le Laboratoire des hypothèses initié par Fabrice Gallis, participe à Legovil avec Frédéric Déotte, sollicite Nicolas Eustache pour un projet en verre soufflé. Et c’est en 2020 qu’elle rencontre Olivier Noël avec lequel elle fonde [VO].

En attente. la bouée.
Notes au sortir de l’exposition ;

Cherbourg, fin d’après-midi d’hiver. L’air est vif et la salle d’exposition de La Bouée prend allure de refuge.
La salle est pleine.
Pleine de travaux comme le serait l’atelier, pleine d’idées. Vivante.
[V.O.], pour Virginie et Olivier, y présentent leurs derniers travaux.
De la terre cuite, du pisé, des pierres, du bois, du métal, de l’eau, de la glace, de la vapeur, du contre-plaqué, du grillage, du papier et du temps. Il faudrait commencer par la table des matières.
Et puis il y a la gaize ramenée au pays des schistes armoricains.
Les cartels sont écrits à la main comme en attendant. En attente.
On navigue entre les œuvres passant de l’une à l’autre dans un espace assez serré, seule la salle d’attente est vide. Il y a des chaises et un petit livre.
Tout est en devenir, en transformation. La glace fond, la vapeur se répand, la roue avance.
Il y a des plantes aussi qui poussent lentement, plus lentement que nous.
Les concepts ne sont que des points de départ.
Les pièces se construisent au fur et à mesure du travail.
Le processus de fabrication provoque l’histoire au risque de changer la forme.
Le souvenir des outils est toujours présent. L’étuve, les serre-joints, les moules et les poulies deviennent parties prenantes de la composition. La forme naît souvent de la mise en œuvre : la préparation du chantier.
Les cuissons transforment la terre à outrance. La place de l’imprévu.
La double origine : Le design et les arts plastiques amène une grande ouverture. L’aventure du travail reste primordiale.
Certaines pièces prêtent à sourire devant l’incongruité : Assises impossibles, sièges déformés ou à peine ébauchés. D’autres au contraire nous renvoient à nos intimes angoisses :
L’effritement, la perte, l’usure et les marques du temps.
Je pense à Bruce Nauman qui décida un jour de présenter les moules plutôt que les pièces qui en sortiraient. Le regard est attentif au travail en train de se faire. Chaque péripétie devient sujet d’une nouvelle proposition.
Rien n’est figé, les références à l’histoire ne sont jamais cachées.
Malgré la gravité on sent la joie de travailler ensemble. Le plaisir d’une certaine contradiction qui oblige l’autre à accepter une voie médiane, une déviation… vers une dialectique plastique. La sculpture est affaire d’échanges et d’expérimentation.

Philippe Godderidge